Mardi 16 janvier, une centaine de militants FO se sont rendus à la matinée de présentation du guide confédéral relatif au devoir de vigilance, avenue du Maine à Paris. « Nous voulons rendre concrets le syndicalisme international et européen. Or, notre rapport remis à l’Ires* [lire notre article] nous a enseigné que les entreprises sont réticentes à impliquer les syndicats dans leur politique de vigilance. Quand elles le font, c’est soit après la publication du plan, soit en 5 minutes à la réunion du CSE. De plus, les militants manquent de formation sur cette question », a expliqué en introduction Branislav Rugani, secrétaire confédéral en charge du secteur international.
L’obligation pour certaines entreprises d’élaborer et de publier un plan de vigilance résulte de la loi du 27 mars 2017. Le guide élaboré par Force Ouvrière et présenté par Pauline Moreau (doctorante sur le sujet) explique les obligations nées de cette loi et comment les élus de CSE et délégués syndicaux peuvent agir pour les faire respecter. Comme le résume le guide (en pièce jointe et en ligne), certaines entreprises « doivent prévenir les risques qu’elles font peser sur la santé, la sécurité, les droits fondamentaux et l’environnement, non seulement pour leurs activités propres mais aussi celles de leurs fournisseurs, filiales et sous-traitants ». Ce travail de prévention est conçu sur l’ensemble de la chaîne de valeur, y compris pour les activités exercées à l’étranger. Avant de demander à être consultés, les élus doivent s’assurer que leur entreprise est bien soumise à ce devoir de vigilance. Leur implication sera fondamentale pour que la loi soit appliquée, comme le montre par exemple la décision du tribunal judiciaire de Paris qui a sommé La Poste de cartographier ses risques.
Sont visées par le devoir de vigilance les entreprises qui répondent aux critères fixés par la loi, y compris si elles sont filiales, sous-traitantes ou fournisseur d’une structure soumise à la loi. Le texte impose deux critères cumulatifs. Le premier concerne l’effectif salarié. La loi s’applique aux entreprises employant :
- plus de 5 000 salariés en France au sein d’une même entreprise et des filiales directes et indirectes ;
- plus de 10 000 salariés dans le monde, y compris dans des filiales directes et indirectes, que le siège social se trouve en France ou à l’étranger.
La deuxième critère tient à la forme sociale de la société. La loi vise :
- les sociétés anonymes;
- sociétés en commandite par actions ;
- sociétés par actions simplifiées ;
- sociétés européennes.
Si l’entreprise est elle-même une filiale, un sous-traitant ou un fournisseur d’une autre entreprise soumise au devoir de vigilance, les élus et délégués syndicaux peuvent demander à être consultés dans le cadre du devoir de vigilance.
C’est l’une des particularités de cette législation : elle implique les élus et délégués syndicaux mais ne renvoie pas aux dispositifs classiques de consultation du code du travail. Il est donc probable que les employeurs sollicités par des élus utilisent dans un premier temps cet argument pour rejeter leurs demandes. Mais les articles du code de commerce ou de la commande publique s’appliquent bien à l’entreprise, il leur faudra en tenir compte.
Après avoir vérifié qu’un plan de vigilance a été publié par la direction, les élus peuvent demander à être consultés. Le guide Force Ouvrière rappelle que selon l’article L.225-102-4 du code de commerce, « le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société ». Les « parties prenantes » ne sont pas définies en droit français, mais Pauline Moreau interprète cette expression comme incluant les délégués syndicaux et les élus de CSE. Le copde de commerce prescrit également « un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ».
Le guide FO avertit les élus et délégués syndicaux que le plan de vigilance mentionne parfois de manière mensongère une consultation qui en réalité n’a pas eu lieu. Aux élus donc d’être vigilants. Il indique également que des comités de parties prenantes (investisseurs, organisations non gouvernementales, etc…) sans organisations syndicales surviennent sans qu’ils en soient informés. Là encore, les élus devront réclamer leur place.
Les représentants du personnel devront également analyser le plan de vigilance, créer de bonnes conditions de dialogue en demandant une commission de suivi du plan. Il leur faudra veiller à être consultés avant que le plan de vigilance ne soit élaboré.
Si le plan de vigilance n’est pas élaboré, pas publié ou pas respecté, les représentants du personnel peuvent activer le mécanisme d’alerte requis par la loi. Si cela reste sans effet, ils peuvent recourir au médiateur du Point de contact national créé par l’OCDE**, dont les recommandations ne sont cependant pas contraignantes. Le guide fournit également des modèles de courriers très utiles pour demander à la direction d’impliquer les syndicats, mettre l’entreprise en demeure de respecter ses obligations, ou encore demander la transmission du plan de vigilance.
Sans réaction de la direction, il restera le recours au juge. Dans les trois mois d’une mise en demeure, les élus peuvent saisir le Tribunal judiciaire afin qu’il prononce une injonction sous astreinte.
Le guide se montre clair et pratique. Il fournit également des liens vers d’autres documents si les militants souhaitent aller plus loin. Cette initiative de Force ouvrière pourra utilement outiller les élus dans un contexte où le contentieux du devoir de vigilance est amené à se développer.
* Ires : institut de recherche syndical
** OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques
Source – Article issu du site Actuel CSE