Pour la Cour de cassation, le temps passé par les membres du CSE à l’exercice de leur droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes s’impute sur leur crédit d’heures de délégation.

Le 10 janvier 2019, plusieurs élus du CSE de l’un des établissements de la RATP informent l’employeur de leur intention de déclencher un « droit d’alerte sur le fondement de l’article L. 2312-59 du code du travail, au motif d’une discrimination à l’encontre d’une femme enceinte au dépôt de la Croix Nivert ».

 

 Rappel : il s’agit ici de l’ancien droit d’alerte dont bénéficiaient les délégués du personnel. Ainsi, tout membre de la délégation du personnel au CSE qui constate qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, en saisit immédiatement l’employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire. L’employeur procède sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation (art. L. 2312-59 du code du travail).

 

Les représentants du personnel ayant exercé leur droit d’alerte sont alors conviés par l’employeur à une réunion du 16 janvier 2019, de 14 heures à 16 heures. Pour les deux élus ayant assisté à la réunion, ces deux heures devaient être rémunérées comme du temps de travail effectif sans être déduit des heures de délégation. L’employeur estimant au contraire que ce temps de réunion devait être pris sur le temps de délégation, l’affaire est portée en justice.

La RATP condamnée en appel

En appel, la RATP est condamnée à payer aux deux élus « le temps passé à la réunion du 16 janvier 2019 comme temps de travail effectif sans qu’il soit déduit de leurs heures de délégation ». Pour la cour d’appel, la réunion, sollicitée par les représentants du personnel, avait été organisée par la direction du dépôt de La Croix Nivert. De plus, « l’atteinte aux droits des personnes constituant une situation d’urgence et de gravité », le temps passé à la recherche de mesures préventives ne devait, en application de l’article L. 2315-11 du code du travail, être payé comme temps de travail effectif sans être déduit du crédit d’heures. Et, en effet, l’article L. 2315-11 prévoit que le temps passé par les membres de la délégation du personnel du CSE « à la recherche de mesures préventives dans toute situation d’urgence et de gravité » doit être payé comme temps de travail effectif. Mais la Cour de cassation ne partage pas la position de la cour d’appel.

La Cour de cassation n’est pas d’accord !

D’après les juges, « le temps passé par les membres de la délégation du personnel au comité social et économique à l’exercice de leur droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes s’impute sur leur crédit d’heures de délégation ». Comme l’avait constaté la cour d’appel, « la réunion du 16 janvier 2019 avait été organisée par l’employeur à la demande des membres de la délégation du personnel au comité social et économique ayant exercé leur droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes ». En conséquence, « le temps passé à ladite réunion devait être déduit de leur crédit d’heures de délégation ».

D’où la cassation de l’arrêt de la cour d’appel et le renvoi de l’affaire, qui devra être rejugée.

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