L’ordonnance n° 2020-1441 du 25 novembre 2020 réactive la possibilité, pendant l’état d’urgence, de recourir de façon illimitée aux réunions du CSE par visioconférence, conférence téléphonique ou messagerie instantanée. Le texte prévoit toutefois des limites lorsque les réunions concernent certains sujets sensibles.

En période « normale », à défaut d’accord à ce sujet, il est possible de réunir le CSE par visioconférence 3 fois dans l’année (voir l’article L. 2315-4 du code du travail pour le CSE et l’article L. 2316-16 pour le CSEC, le comité social et économique central). Lors du premier confinement, l’ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 avait autorisé le recours à la visioconférence, mais aussi à la conférence téléphonique et à la messagerie instantanée pour les réunions du CSE de manière illimitée, même en l’absence d’accord (lire notre infographie du printemps).

L’ordonnance n° 2020-1441 du 25 novembre 2020 autorise à nouveau, selon les mêmes modalités, ce recours. Sont prévues toutefois des exceptions, permettant aux membres du CSE de s’opposer à la réunion à distance lorsque certains sujets sensibles comme le licenciement économique ou l’APLD (activité partielle de longue durée) sont à l’ordre du jour.

Revenons sur le dispositif réactivé inchangé et précisons les nouveautés apportées.

Réunions du CSE à distance illimitées pendant l’état d’urgence

A compter du 27 novembre 2020 (entrée en vigueur de l’ordonnance), et jusqu’à la fin de l’état d’urgence (16 février 2021 à ce jour), les réunions à distance sont autorisées pour l’ensemble des réunions du CSE et du CSEC, après que l’employeur en a informé leurs membres. C’est le cas des réunions par visioconférence, même au-delà de la limite de 3 réunions par an à défaut d’accord, des réunions par conférence téléphonique, ainsi que des réunions par messagerie instantanée (mais, dans ce dernier cas, seulement en cas d’impossibilité de recourir à la visioconférence ou à la conférence téléphonique ou lorsqu’un accord d’entreprise le prévoit).

Comme pour le premier état d’urgence, l’ordonnance prévoit que les réunions à distance sont autorisées également pour l’ensemble des réunions des instances représentatives du personnel régies par les dispositions du code du travail, après que l’employeur en a informé leurs membres. Cela vise d’après nous le comité de groupe, le comité d’entreprise européen, le comité de la société européenne, mais aussi les commissions du CSE dont la CSSCT.

Comme pour la première ordonnance d’avril, il nous semble que tous les membres du CSE doivent être convoqués, même les suppléants, ainsi que bien sûr les représentants syndicaux. L’identification des participants étant une condition obligatoire, les règles de suppléance pourront être appliquées en l’absence de titulaires, et les suppléants non-remplaçants remerciés. Il est également possible d’accepter la participation des suppléants aux réunions dans le contexte particulier de la crise sanitaire. En outre, faute de disposition contraire, il apparaît que les participants extérieurs doivent également être convoqués le cas échéant (médecin du travail et responsable sécurité, sur les points de l’ordre du jour en rapport avec la santé et la sécurité, inspecteur du travail et agent de la Carsat, de même que les experts du CSE ou le commissaire aux comptes le cas échéant).

Un décret sur les modalités des réunions par conférence téléphonique et par messagerie instantanée

Concernant les réunions par conférence téléphonique et par messagerie instantanée, l’ordonnance prévoit qu’un décret fixe les conditions dans lesquelles les réunions se déroulent. On peut penser que le décret sera identique à celui adopté lors la première période d’état d’urgence.

Rappelons que le décret n° 2020-419 du 10 avr. 2020 (JO, 11 avr.) prévoyait que :

  • comme pour la visioconférence, le dispositif technique doit permettre l’identification des membres ainsi que leur participation effective. A noter qu’aucun des dispositifs ne fait obstacle aux suspensions de séance ;
  • pour le vote à bulletin secret, le dispositif de vote mis en oeuvre répond aux conditions prévues par l’alinéa 3 l’article D. 2315-1 relatif à la visioconférence (garantie du secret de l’identité et de la confidentialité des données transmises). Il était en outre prévu que le président de l’instance informe ses membres de la tenue de la réunion en conférence téléphonique. Concernant la réunion par messagerie instantanée, le président précise la date et l’heure de son début ainsi que la date et l’heure à laquelle interviendra au plus tôt sa clôture ;
  • la réunion par conférence téléphonique se déroule conformément aux étapes prévues à l’article D. 2315-2 relatif au recours à la visioconférence (vérification que l’ensemble des membres a accès à des moyens techniques satisfaisant, vote en simultanée). Quant à la réunion par messagerie instantanée, outre la vérification de l’accès à des moyens techniques satisfaisant et le vote en simultanée comme pour la conférence téléphonique, il est prévu que les débats sont clos par un message du président de l’instance, et que celui-ci adresse les résultats des votes à l’ensemble de ses membres.
Nouveauté : possibilité pour les élus de s’opposer à la réunion à distance sur certains thèmes sensibles
Opposition de la majorité des élus au moins 24 heures avant la réunion
La nouveauté de cette ordonnance par rapport à celle d’avril est que certaines exceptions aux réunions à distance illimitées sont prévues. En effet, le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance précise « le recours à ces outils ne doit pas être le seul et unique moyen de réunir les instances représentatives du personnel, d’autant plus que de nombreuses entreprises ont pu maintenir leur activité au cours de la dernière période de confinement décidée par le Gouvernement ».
C’est pourquoi il est prévu que les membres élus des instances représentatives du personnel peuvent, à la majorité de ceux appelés à y siéger, s’opposer, au plus tard 24 heures avant le début de la réunion à distance pour les informations et consultations menées dans le cadre de :
  • la procédure de licenciement collectif prévue au chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail ;
  • la mise en œuvre des accords de performance collective mentionnés à l’article L. 2254-2 du même code (APC) ;
  • la mise en œuvre des accords portant rupture conventionnelle collective mentionnés à l’article L. 1237-19 du même code (RCC) ;
  • la mise en œuvre du dispositif spécifique d’activité partielle prévu à l’article 53 de la loi du 17 juin 2020 susvisée (APLD).​

Précisons que les élus ne peuvent s’opposer à la réunion par visioconférence qu’autant que la limite de 3 réunions par année civile est dépassée.

Dans ce cas la réunion doit se tenir en présentiel. Et même si le texte ne le précise pas, la réunion doit, bien entendu, se dérouler dans les conditions compatibles avec les règles de distanciation, le protocole sanitaire et le document unilatéral mis à jour à ce sujet.
Quelques questions demeurent
Le texte ne précise pas la forme que doit prendre cette opposition, d’autant qu’est nécessaire la majorité des « membres élus appelés à siéger » (c’est-à-dire les titulaires ou les suppléants remplaçant un titulaire absent pour cette réunion). Il nous semble qu’un mail signé des membres s’y opposant, visant les dispositions de l’ordonnance à cet égard devrait suffire.
Enfin une autre question se pose : l’opposition des élus n’est-elle possible que dans les cas de « consultation » de l’instance sur ces thèmes ? En effet, sur certains de ces sujets, se mêlent simples informations et consultation du CSE. C’est par exemple le cas pour l’APLD qui n’exige la consultation du CSE que sur la mise en place du dispositif par décision unilatérale de l’employeur prise sur la base d’un accord de branche étendu ; mais qui exige une information au moins trimestrielle sur sa mise en oeuvre quelles que soient ses modalités de mise en place (décision unilatérale ou accord collectif).
 
► Remarque : concernant l’APC, la consultation du CSE sur le projet d’accord n’est pas obligatoire, mais le texte vise bien sa « mise en oeuvre », ce qui semble confirmer l’obligation de consultation du CSE sur ce dispositif, compte tenu de l’importance de ses conséquences sur l’entreprise et les salariés. Concernant la RCC, la consultation du CSE sur l’accord n’est pas obligatoire, mais cet accord doit prévoir des modalités d’information du CSE. Quant à la mise en oeuvre de l’accord portant RCC, il fait l’objet d’une consultation régulière et détaillée du CSE dont les avis sont transmis à la Direccte.
 
Le texte de l’ordonnance vise bien « les informations et les consultations », il nous semble donc que les membres du CSE pourraient s’opposer à la réunion à distance dans tous les cas. Cependant, le rapport au Président de la République précise que l’opposition est possible « lorsqu’il s’agit de la consulter sur des sujets sensibles ».