Il se peut cependant que la fermeture prenne quelques jours. En attendant, la direction a autorisé le travail à domicile lorsque cela est possible (dessinateurs, bureaux d’études), ainsi que les horaires décalés pour ceux qui sont contraints de se rendre sur le site. Selon François Janvier, « la direction se penche sur le chômage partiel, mais nous avons de nouvelles consignes tous les jours. De plus en plus de sous-traitants quittent cependant le chantier ». Il n’est donc pas toujours facile de fermer du jour au lendemain, même en y mettant de la bonne volonté. Chez Valeo, équipementier automobile, la question des contrats à exécuter rend la procédure encore plus compliquée.
Heureusement (si l’on peut dire), l’usine de Valeo étant très automatisée, les salariés sur la chaîne sont séparés d’environ 10 mètres. « Il n’existe pas de postes séquentiels où les salariés se donnent des pièces de la main à la main. Et pour le passage de relais entre les équipes qui se fait par oral en temps normal, la direction a demandé de passer à l’écrit, et d’attendre 15 minutes entre chaque changement d’équipe. Nous avons aussi créé des parcours d’accès pour les entrées et sorties, afin d’éviter que les salariés se croisent », nous explique Christelle Guyot. Mais la dure réalité du marché demeure pour Valeo : pour pouvoir fermer l’usine, il faudrait que tous les constructeurs automobiles clients s’arrêtent eux-mêmes, ce qui est encore loin d’être acquis…
« A Sochaux, PSA est à l’arrêt, mais le site logistique de Vesoul, qui alimente en pièces détachées les garages, fonctionne toujours”, s’étonne Olivier Laurent. En tant que president du syndicat métallurgie CFE-CG de Franche Comté, ce dernier a fort à faire pour prêter main forte aux 55 délégués syndicaux de cette région industrielle, qui se retrouvent au coeur d’une situation souvent jugée incompréhensible par les salariés. “Après le discours sur le confinement du président de la République lundi soir, les salariés d’Alstom Belfort n’ont pas compris la communication de leur direction et ne se sont pas sentis en sécurité. Ils ont arrêté de travailler et sont sortis dans la cour, espacés d’un mètre”, rapporte le syndicaliste. A Bourogne, près de Belfort, chez General Electric, des salariés auraient fait jouer leur droit de retrait.
Ailleurs, les réunions ont été organisées, le plus souvent dans l’urgence et sous la pression des salariés, comme chez Flex & Gates. Chez cet équipementier automobile (ex-Faurecia) qui emploie 1 000 salariés à Audincourt (Doubs), “les salariés étaient inquiets car ils ne comprenaient pas pourquoi leur direction leur disait d’aller travailler alors que le président de la République leur avait parlé de guerre la veille”, nous raconte Stéphane Chatain, DSC CFE-CGC. Après trois réunions de CSE organisées lundi et mardi en présentiel mais en effectif restreint (1 membre par OS), ce dernier se dit “sur les rotules”. La décision a été prise finalement de fermer le site, qui alimente l’industrie automobile en piéces détachées, d’ici vendredi. Hormis les salariés des fonctions support qui pourront télétravailler, la plupart vont se retrouver en chômage partiel. “Il y a de l’inquiétude car avec les textes actuels, on recevrait 84% du salaire, et non pas 100%”, dit le DS (lire notre article sur l’activité partielle dans cette même édition). Un délégué syndical déjà préoccupé de la suite : « Cela va durer plusieurs semaines. On va se répartir les choses pour rester en contact avec le maximum de salariés, et faire passer les infos ».
Dans les centres d’appel, la situation des salariés mobilise Solidaires, qui rappelle les consignes de protection (gel, savon et lingettes disponibles, maximum de 50 personnes par espace de travail avec 1 mètre de distance entre les salariés, désinfection des locaux en cas de cas avéré d’infection d’un salarié). Trop peu d’entreprises du secteur proposent le télétravail, selon l’union syndicale qui réclame la tenue de réunions CSE et SSCT « afin de mettre en place les mesures de sécurité ».
Chez WebHelp, qui compte 700 salariés sur 2 sites à Caen, Charlène Gourdin, de la fédération des centres d’appel de Solidaires, rapporte que 400 salariés environ ont été mis en chômage partiel, et que les autres vont télétravailler. « Certains salariés ont dû partir avec leur ordinateur sous le bras », raconte-t-elle. Le CSE s’est réuni par visioconférence, les élus étant à leur domicile. « C’est pas terrible, parfois ça bugge un peu, mais c’est mieux que pas de réunion du tout », observe la syndicaliste. Quant au suivi des salariés en télétravail, Solidaires estime que cela va être possible chez WebHelp : « Nous avons la liste des mails des salariés et la direction ne s’oppose pas à ce que nous communiquions avec eux ».
Dans d’autres entreprises, la situation est nettement plus tendue. Chez Punchpowerglide, un équipementier de Strasbourg qui fournit des boites de vitesse, la CGT indique avoir demandé « un confinement total à la maison pour protéger les salariés » lors d’un comité social économique extraordinaire tenu hier. Lors de la réunion, les élus ont appris qu’un deuxième salarié avait été testé positif au covid-19, cette situation entraînant le confinement d’une quinzaine de salariés à leur domicile…
Pour la CGT de l’inspection du travail, la lutte contre l’épidémie doit prévaloir sur la poursuite d’activités non indispensables
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Pour la CGT de l’inspection du travail, il est incompréhensible que le décret du 16 mars restreignant les déplacements (lire notre article) autorise ceux du domicile au travail. « Des millions de travailleurs et travailleuses vont continuer à se déplacer, prendre les transports, se côtoyer par centaines sur leur lieu de travail, pour produire des voitures, de l’électroménager, construire des navires ou des bâtiments… alors que dans le même temps il leur sera interdit de visiter leur proches ! Un comble alors que le président a commencé son intervention en fustigeant l’indiscipline de la population », fustige la CGT. Le syndicat dit « refuser » que l’inspection du travail « serve à accompagner la poursuite d’activités d’entreprises privées non vitales » et invite les agents de l’inspection « à ne traiter que les demandes se rapportant à la continuation des activités indispensables à la lutte contre l’épidémie et à la vie collective ainsi qu’à la préservation des droits des salariés ». |