Selon un sondage réalisé par le Cercle Maurice Cohen, une large majorité d’élus du personnel dit ne pas disposer, avec la base de données économiques et sociales (BDES), d’une information plus complète et de meilleure qualité qu’auparavant.
Le Cercle Maurice Cohen est un club de réflexion regroupant syndicalistes, universitaires, avocats et juristes en droit social, experts auprès des CE, CHSCT et CSE, tous attachés aux IRP et à la défense des salariés. Le Cercle a lancé fin novembre 2018 une enquête en ligne auprès des représentants du personnel au sujet de la base de données économiques et sociales (BDES), enquête notamment relayée dans ces colonnes.
Les élus ont été invités à répondre à dix questions simples sur la BDES : en avez-vous déjà entendu parler ? A-t-elle été mise en place dans votre entreprise ? Si c’est le cas, comment son contenu et ses modalités ont-ils été fixés ? Est-elle mise à jour ? Etc. Une démarche on ne peut plus intéressante tant cette base de données, issue de l’accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l’emploi du 11 janvier 2013 traduit dans la loi du même nom du 14 juin 2013, était à l’origine présentée, notamment par la CFDT, comme une innovation importante afin de faciliter l’information des élus et donc le dialogue social. La BDES est du reste devenue, avec la loi Rebsamen de 2015, la loi Travail de 2016 et les ordonnances Travail de 2017 le canal de toutes les informations récurrentes à transmettre aux CE et CSE.
Un principe ambitieux, une mise en pratique différée et laborieuse |
« Une base de données unique (BDU) sera mise en place dans l’entreprise et mise à jour régulièrement, regroupant et rationalisant exhaustivement les données existantes et sans remettre en cause les attributions du personnel (..) Cette information, économique et sociale, remplace l’ensemble des informations données de façon récurrente aux IRP, sous forme de rapports ou autre. Elle revêt un caractère prospectif en portant sur les 3 années suivant celle au cours de laquelle elle est établie. Elle est mobilisable à tout moment aussi bien par les IRP et les délégués syndicaux, dans le cadre de leurs attributions, que par l’employeur », indiquait ainsi l’accord du 11 janvier 2013.Cette « BDU » puis « BDES » est devenue obligatoire à compter de juin 2014 pour les entreprises de 300 salariés et plus et de juin 2015 pour les entreprises de 50 à 249 salariés. Dès 2014, actuEL-CE.fr relevait les débuts laborieux de cet outil (lire notre article et voir notre vidéo) et les réticences de certains employeurs, ce qui avait conduit la direction générale du travail à donner jusqu’à décembre 2016 aux entreprises pour « finaliser » le contenu de cette base (lire notre article). |
Ce sondage a recueilli plus de 800 réponses, les élus ayant rempli le questionnaire représentant les IRP d’entreprises de taille moyenne employant au total 2,6 millions de salariés (*). Les résultats, que nous vous présentons en avant-première, indiquent que de nombreux élus jugent insatisfaisant ce nouvel outil, ce qui confirme une précédente évaluation (lire notre article).
A la question : « Avec la BDES, pensez-vous disposer aujourd’hui d’une information plus complète et de meilleure qualité ? », 85% des élus répondent par la négative, seuls 15,3% étant satisfaits. Près de la moitié des élus (46%) jugent « inchangé » leur accès à l’information depuis la mise en place de la BDES, 11,5% le trouvant meilleur et 42,6% le qualifiant de « moins bon ». Fait étonnant, l’avis des élus ne semble pas tellement varier selon la taille de l’entreprise, souligne Cyril Elbaz, qui a coordonné l’étude pour le Cercle Maurice Cohen.Une fréquence de mise à jour très variable
En revanche, ces piètres résultats sont corrélés au fait, d’une part, que dans 8,6% des cas, la BDES n’a tout simplement pas été mise en place, 10% des élus ignorant si elle l’a été, et, surtout, par les insuffisances de cet outil selon les élus qui en disposent (**). En effet, 60% des élus ayant répondu affirment n’être jamais informés des mises à jour de la BDES, contre 30% qui le sont par mail, et 10% « autrement ». La fréquence des mises à jour semble également aléatoire : 30% des élus ne savent pas quand cette BDES est mise à jour, 19% répondent qu’elle est actualisée avant chaque grande consultation (sur la situation économique, la politique sociale, les orientations stratégiques), 36% estiment qu’elle n’est pas actualisée avant ces mêmes consultations, seuls 14,6% jugeant que leur BDES est actualisée plus fréquemment. Quant aux prévisions de l’entreprise à 3 ans, qui sont le support pour la consultation sur les orientations stratégiques, elles sont présentes pour 22,5% des élus (dans 15,8% des cas sous la forme de tendances et dans 6,7% sous forme de chiffres). Mais 47% des élus ne savent pas si l’entreprise remplit cette obligation, tandis que 30% savent que ces prévisions à 3 ans ne sont pas dans leur base.Des données réellement exploitables pour 29% des élus
Les modalités techniques de la BDES, déterminantes pour son usage pratique, entrent aussi en compte : 29% des élus disent disposer de données directement exploitables (type tableau Excel), 11,3% consultent des documents papier et près de 60% disent devoir effectuer une recherche de données dans des documents en PDF auxquels la base renvoie. L’accès à la base de données reste également un problème pour certains puisque 14% des élus disent devoir se rendre dans les bureaux de la direction pour la consulter ! Il est vrai que 45% des élus disent y avoir accès via l’intranet, et 41% pouvoir y accéder de façon permanente, sans précision.
Il faut dire, ceci explique sans doute cela, que le contenu et les modalités de la BDES, si l’on en croit les élus sondés, n’ont pas été des sujets discutés avec l’employeur. Ou plutôt si, mais dans une minorité de cas : 18% des élus évoquent un accord collectif sur le sujet (22% disant l’ignorer) quand 59% assurent que ce contenu et ses modalités ont été fixés par l’employeur, et lui seul. Sans surprise, on notera aussi que c’est dans les entreprises de plus de 1 000 salariés que la proportion d’accords sur la BDES est la plus forte.
(*) sur les 800 élus, 30% environ travaillent dans des entreprises employant moins de 300, 26% dans entreprises employant entre 300 et 1 000 salariés, 40% dans des entreprises employant plus de 1 000 salariés.
(**) 44% des élus d’entreprises de plus de 1 000 salariés indiquent que la BDES a été mise en place, contre respectivement 27% des élus d’entreprises de 300 à 1 000 salariés.
► Sur le contenu de la BDES pour les entreprises de moins de 300 salariés, lire notre article du 5/1/2018 et, pour le contenu exigé de la part des entreprises de 300 salariés et plus, lire notre article du 8/1/2018. Voir aussi notre article du 15/1/2019 concernant la BDES et le nouvel index de l’égalité F/H.
Source – Actuel CE